Published on March 15, 2024

Contrairement à l’idée reçue, il ne faut pas être riche ni expert pour collectionner l’art québécois : le secret est de louer avant d’acheter.

  • La location via des artothèques permet de former son œil et de tester des œuvres chez soi sans aucun risque financier.
  • Investir dans un artiste émergent soutenu par des institutions (comme le CALQ) est plus gratifiant et porteur de sens qu’une simple reproduction.

Recommandation : Commencez par louer une ou deux œuvres pour découvrir ce qui vous touche vraiment avant de faire votre premier achat.

Vous contemplez ce grand mur blanc dans votre salon et rêvez de l’habiller d’une œuvre qui a une âme, une histoire. L’idée de posséder une pièce d’un artiste québécois vous séduit, mais elle est aussitôt balayée par une pensée intimidante : “L’art, ce n’est pas pour moi. C’est trop cher, trop compliqué.” Vous n’êtes pas seul. Beaucoup d’amateurs d’art partagent cette appréhension, se sentant exclus d’un monde perçu comme élitiste et opaque, celui des galeries feutrées et des vernissages où tout le monde semble se connaître.

Les conseils habituels — “visitez les galeries”, “fixez-vous un budget” — semblent déconnectés de votre réalité. Ils ne répondent pas à la question fondamentale : comment savoir si l’on fait le bon choix ? Comment être sûr qu’une œuvre qui nous plaît aujourd’hui nous plaira encore dans cinq ans ? Et si la véritable clé n’était pas dans l’acte d’acheter, mais dans celui de vivre avec l’art ? Si la porte d’entrée la plus intelligente et la plus accessible à la collection n’était pas l’achat, mais la location ?

Cet article va déconstruire le mythe du collectionneur millionnaire. Nous allons explorer une voie pragmatique, passionnante et profondément québécoise pour bâtir une collection qui a du sens. Oubliez la pression de l’investissement initial. Nous allons vous montrer comment former votre œil, apprivoiser l’art contemporain et faire des choix éclairés, en transformant votre domicile en votre propre galerie privée temporaire. Préparez-vous à changer radicalement votre regard sur l’acquisition d’œuvres d’art.

Pour vous guider dans cette démarche, nous avons structuré ce guide en plusieurs étapes clés. Chaque section répond à une question précise que se pose tout collectionneur débutant, de la découverte des artistes à la mise en valeur de vos futures acquisitions.

Pourquoi acheter une œuvre originale d’un artiste émergent est-il plus gratifiant qu’une reproduction ?

Une reproduction, aussi belle soit-elle, reste une copie. Une œuvre originale, même modeste, possède quelque chose d’irremplaçable : l’empreinte directe de l’artiste. Chaque coup de pinceau, chaque texture du papier, chaque imperfection est une trace du processus créatif. C’est une conversation silencieuse que vous engagez avec l’artiste à chaque regard. Posséder une œuvre originale, c’est détenir un fragment d’une vision, une pièce unique au monde. C’est aussi un acte de soutien concret à la culture d’ici. Le Québec investit massivement dans sa relève artistique. Pour preuve, le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) a accordé plus de 10 millions de dollars aux artistes de la relève, ce qui représente 35% de ses bourses totales. Acheter un artiste émergent, c’est donc parier sur un talent validé par ses pairs et participer à l’éclosion de la scène culturelle de demain.

Mais comment accéder à ces œuvres sans se sentir dépassé ? La solution la plus intelligente est souvent la moins connue : la location. C’est le principe de l’investissement relationnel avant l’investissement financier.

Étude de cas : L’Artothèque de Montréal, incubateur de collectionneurs

L’Artothèque de Montréal propose un modèle révolutionnaire : louer des œuvres d’art comme on emprunte des livres. Avec plus de 3000 œuvres d’artistes canadiens, elle permet aux particuliers de vivre avec une pièce pour des tarifs allant de 8 à 42 dollars par mois. Ce système, décrit comme une porte d’accès à l’émerveillement, a révélé des talents comme Véronique Buist. Les locataires développent un lien personnel avec les œuvres et finissent souvent par les acquérir, transformant une simple location en première acquisition. C’est la preuve qu’il est possible de former son œil et son cœur avant d’ouvrir son portefeuille.

Plan d’action : Auditer le potentiel d’un artiste émergent québécois

  1. Points de contact institutionnels : Vérifiez si l’artiste a reçu une bourse du CALQ ou du programme Arts et lettres de Montréal. C’est un premier sceau de qualité.
  2. Collecte de reconnaissance : Inventoriez ses expositions passées. Une présence dans des centres d’artistes reconnus comme L’Œil de Poisson (Québec), Clark (Montréal) ou Arprim est un excellent indicateur.
  3. Confrontation aux valeurs : Visitez les vernissages dans les centres culturels pour rencontrer l’artiste. Le contact humain est crucial pour comprendre sa démarche et voir si elle résonne en vous.
  4. Mémorabilité et pérennité : Repérez si l’artiste figure déjà dans des collections publiques, même modestes (celles du MNBAQ ou du MBAM sont des références ultimes, mais celles des villes ou d’entreprises comptent aussi).
  5. Plan d’intégration : Avant tout achat, envisagez la location via une artothèque. C’est le test ultime pour valider votre connexion à l’œuvre dans votre propre espace de vie.

En choisissant une œuvre originale, vous n’achetez pas seulement un objet décoratif, vous devenez le gardien d’une histoire et un maillon de l’écosystème culturel québécois.

Comment composer un mur de cadres harmonieux sans transformer votre salon en gruyère ?

L’idée d’un “gallery wall” est séduisante, mais la peur de se tromper est paralysante. Planter des clous au hasard peut vite virer au cauchemar, laissant votre mur criblé de trous et votre composition bancale. Le secret d’un mur réussi n’est pas la symétrie parfaite, mais la cohérence narrative. Votre mur de cadres doit raconter une histoire : la vôtre. Il doit être un mélange éclectique mais réfléchi de formats, de styles et de médiums qui dialoguent entre eux. Pensez en termes de rythme visuel, en alternant les grandes pièces qui ancrent la composition et les plus petites qui créent des points d’intérêt.

Avant de percer le moindre trou, la meilleure stratégie est de simuler. Découpez des feuilles de papier kraft aux dimensions de vos cadres et fixez-les au mur avec du ruban adhésif. Vivez avec cette maquette pendant quelques jours, observez-la à différents moments de la journée. Cet exercice simple vous évitera bien des regrets. Mais comment choisir les œuvres elles-mêmes ? Là encore, la location est votre meilleure alliée pour expérimenter sans engagement.

Le témoignage de Magali Paquin, utilisatrice de L’Artothèque de la Bibliothèque Gabrielle-Roy à Québec, est éloquent. Elle explique comment le service de prêt lui permet d’explorer des œuvres “éclatées, percutantes, vibrantes” de jeunes artistes. Selon un reportage de Radio-Canada sur le sujet, ce service permet de valider l’intégration d’une pièce dans son décor avant tout achat définitif. C’est la liberté de tester un grand format audacieux ou une couleur vive, et de développer un “œil nomade” qui affine votre goût personnel.

Pour construire votre mur, suivez une approche par étapes :

  1. Définir le point d’ancrage : Commencez par l’œuvre la plus grande ou celle qui a le plus d’impact émotionnel pour vous. Elle sera le cœur de votre composition.
  2. Créer un dialogue : Associez des techniques variées. Une gravure précise de l’Atelier Circulaire peut magnifiquement contraster avec une photo plus atmosphérique d’un artiste gaspésien et une petite toile abstraite vibrante.
  3. Jouer avec la flexibilité : Utilisez des étagères fines à tableaux (picture ledges) pour les petits et moyens formats. Elles permettent de changer la disposition, de superposer des cadres et d’ajuster la composition au gré de vos envies, sans percer de nouveaux trous.
  4. Raconter l’histoire : Tenez un petit carnet où vous notez l’histoire de chaque pièce : où vous l’avez découverte, pourquoi elle vous a touché, qui est l’artiste. Votre mur devient alors un journal visuel.

Un mur de cadres réussi n’est pas une simple accumulation, mais une collection organisée qui révèle des facettes de votre personnalité et de votre parcours.

Achat en galerie ou enchères : où trouver les meilleures opportunités pour un premier investissement ?

Le monde de l’art peut ressembler à une jungle pour le néophyte. Entre les galeries commerciales, les centres d’artistes, les foires et les encans, il est difficile de savoir où donner de la tête. Chaque lieu a ses propres codes, ses gammes de prix et ses avantages. L’erreur serait de croire qu’il faut commencer par les galeries les plus prestigieuses. Au contraire, les opportunités les plus intéressantes pour un premier achat se trouvent souvent dans des lieux plus accessibles et engagés auprès de la relève. Les centres d’artistes autogérés, par exemple, sont des lieux d’expérimentation incroyables. Gérés par les artistes eux-mêmes, ils présentent des œuvres pointues, souvent avant qu’elles n’arrivent sur le marché des galeries commerciales, et à des prix beaucoup plus abordables. C’est l’occasion d’un contact direct et authentique avec les créateurs.

De même, les foires spécialisées comme Plural (anciennement Papier) à Montréal sont une excellente porte d’entrée. Elles se concentrent sur les œuvres sur papier (dessins, estampes, photographies), qui sont par nature plus accessibles financièrement que les peintures ou les sculptures de grand format. C’est une occasion unique de voir une immense variété d’œuvres et de galeries sous un même toit, et de comparer les styles et les prix. Enfin, les encans-bénéfices des grands musées (MAC, MBAM) offrent une curation impeccable : les œuvres proposées ont été validées par l’institution, garantissant un certain niveau de qualité, tout en soutenant une bonne cause.

Vue intérieure d'un centre d'artistes autogéré montréalais pendant un vernissage avec visiteurs observant des œuvres contemporaines

Pour y voir plus clair, il est utile de comparer les différentes options. Le tableau suivant synthétise les caractéristiques des principaux lieux d’acquisition pour un collectionneur débutant au Québec, en s’inspirant des données du milieu artistique.

Cette diversité de canaux montre qu’il existe un point d’entrée pour chaque budget, comme le détaillent les portraits du milieu des arts visuels. Le tout est de trouver celui qui correspond à votre démarche.

Comparaison des options d’acquisition d’art québécois pour débutants
Lieu d’acquisition Gamme de prix Avantages Type d’œuvres
Centres d’artistes autogérés (Arprim, Zocalo) 300 $ – 2000 $ Œuvres pointues avant galerie commerciale, contact direct avec artistes Art contemporain expérimental
L’Artothèque (location-vente) 8 $ – 42 $/mois (location) Tester avant d’acheter, 3000 œuvres disponibles Toutes techniques, artistes établis et émergents
Foire Plural (anciennement Papier) 100 $ – 1500 $ Œuvres sur papier abordables, grand choix Estampes, photographies, dessins
Encans-bénéfices musées (MAC, MBAM) 500 $ – 5000 $ Œuvres validées par institution, action caritative Artistes reconnus, pièces de collection
La Guilde (art autochtone) 200 $ – 3000 $ Achat éthique et responsable, authenticité garantie Art Premières Nations et Inuit

L’important n’est pas de trouver “la” meilleure affaire, mais de trouver le lieu où vous vous sentez le plus à l’aise pour commencer votre dialogue avec l’art.

L’erreur d’exposer vos aquarelles à la lumière directe du soleil qui détruit leur valeur

Vous avez enfin trouvé votre première œuvre, une magnifique aquarelle ou une estampe délicate. L’enthousiasme vous pousse à l’installer à l’endroit le plus lumineux de la maison pour bien en profiter. C’est une erreur classique et potentiellement désastreuse. La lumière, et plus particulièrement ses rayons ultraviolets (UV), est l’ennemi numéro un des œuvres sur papier. Une exposition directe et prolongée au soleil provoque des dommages irréversibles : les couleurs pâlissent, le papier jaunit et se fragilise. En quelques années, voire quelques mois, une œuvre vibrante peut perdre toute sa vivacité et, par conséquent, une grande partie de sa valeur esthétique et financière.

Ce phénomène est particulièrement critique au Québec, où la lumière varie énormément avec les saisons. Le soleil bas et intense de l’hiver, qui pénètre profondément dans nos intérieurs par les fenêtres orientées sud et ouest, est souvent plus dangereux que le soleil d’été. Il est donc crucial d’adopter une approche de conservation préventive. Cela ne signifie pas de vivre dans le noir, mais de prendre des précautions simples et intelligentes pour protéger votre investissement de cœur. Pensez-y comme à la gestion d’un bien précieux qui vous est confié.

La première ligne de défense est l’encadrement. Un encadrement de qualité n’est pas seulement esthétique, il est protecteur. Opter pour un verre de conservation (verre anti-UV ou acrylique de qualité musée) est un investissement initial plus élevé, mais absolument essentiel. Il peut filtrer jusqu’à 99% des rayons UV nocifs, prolongeant considérablement la vie de votre œuvre. C’est une dépense non négociable pour toute pièce à laquelle vous tenez.

Voici un plan d’action simple pour protéger vos œuvres au fil des saisons canadiennes :

  1. Identifier les zones à risque : Faites le tour de votre maison et repérez les murs qui reçoivent la lumière directe du soleil, en particulier entre novembre et mars. Ce ne sont pas de bons emplacements pour des œuvres fragiles.
  2. Investir dans un encadrement de conservation : Pour un format moyen à Montréal ou Québec, prévoyez un budget de 150 à 300 dollars pour un encadrement avec un verre anti-UV. C’est la meilleure assurance pour votre œuvre.
  3. Pratiquer la rotation saisonnière : Rien n’est permanent. Envisagez de déplacer vos aquarelles ou photographies les plus précieuses loin des fenêtres durant les mois d’hiver les plus ensoleillés.
  4. Filtrer à la source : Si un mur est particulièrement exposé, l’installation de stores ou de films anti-UV transparents sur les fenêtres est une solution efficace qui protège tout votre mobilier, pas seulement vos œuvres.
  5. Documenter pour suivre : Prenez une bonne photo de votre œuvre juste après l’acquisition. Elle servira de référence pour évaluer toute décoloration éventuelle au fil des ans.

Protéger une œuvre n’est pas une contrainte, c’est un acte de respect envers l’artiste et un moyen de garantir que votre collection pourra être admirée par les générations futures.

Comment déduire l’achat d’œuvres d’art canadiennes de vos impôts d’entreprise ?

L’acquisition d’œuvres d’art est souvent perçue comme une dépense purement personnelle. Pourtant, pour les entrepreneurs, les travailleurs autonomes et les entreprises au Canada, elle peut aussi représenter un levier fiscal intelligent. Le gouvernement canadien et Revenu Québec encouragent activement les entreprises à investir dans la culture locale en leur permettant d’amortir le coût d’acquisition d’œuvres d’art. C’est une situation gagnant-gagnant : vous embellissez vos espaces de travail, soutenez les artistes canadiens et bénéficiez d’un avantage fiscal. Loin d’être un luxe, l’art devient alors un actif stratégique pour l’entreprise.

Les règles sont précises mais relativement simples. Pour qu’une œuvre soit admissible à la déduction pour amortissement (DPA), elle doit remplir trois conditions principales : elle doit avoir été créée par un artiste citoyen ou résident canadien, son coût doit être d’au moins 200 $, et elle doit être exposée dans le lieu d’affaires de l’entreprise, visible par les clients et les employés. Il est important de noter que cette mesure ne s’applique pas aux salariés qui achètent de l’art pour leur bureau, mais bien aux entreprises et professionnels qui engagent la dépense.

Exemple concret : L’amortissement fiscal pour une PME québécoise

Imaginons qu’une agence de design montréalaise achète une sculpture d’un artiste canadien pour 5 000 $. En vertu des règles fiscales, elle peut classer cette œuvre dans la catégorie 8 de ses biens amortissables, avec un taux d’amortissement de 20 % par année (selon la méthode de l’amortissement dégressif). La première année, l’entreprise pourra déduire 20 % de 5 000 $, soit 1 000 $, de ses revenus imposables. La deuxième année, elle pourra déduire 20 % du solde restant (4 000 $), soit 800 $, et ainsi de suite. L’œuvre, en plus d’enrichir l’environnement de travail et de renforcer l’image de marque de l’agence, devient un investissement qui réduit la charge fiscale de l’entreprise sur plusieurs années.

Cet incitatif fiscal transforme la perception de l’achat d’art. Ce n’est plus une simple dépense, mais un investissement dans un actif tangible qui contribue à la fois à l’environnement de travail et à la santé financière de l’entreprise. L’art devient un outil pour affirmer l’identité et les valeurs de l’entreprise, tout en participant à l’économie créative locale.

Espace de bureau moderne québécois avec collection d'art local exposée stratégiquement sur les murs

En intégrant l’art dans votre stratégie d’entreprise, vous ne faites pas que décorer un mur ; vous investissez dans votre culture d’entreprise, dans la communauté artistique et dans l’optimisation de votre fiscalité.

Pourquoi les éléments d’origine (moulures, planchers) valent-ils plus cher que du neuf à la revente ?

Dans un marché immobilier où le “neuf” est souvent synonyme de “mieux”, les appartements du Plateau Mont-Royal ou les maisons victoriennes de Westmount nous rappellent une vérité contre-intuitive : le cachet de l’ancien a une valeur inestimable. Les moulures complexes, les planchers de bois franc qui craquent doucement, les portes massives et les cheminées en marbre ne sont pas de simples éléments décoratifs. Ce sont les témoins d’une histoire, d’un savoir-faire artisanal devenu rare et coûteux à reproduire. Ils confèrent à un lieu une âme, une profondeur que le gypse et le plancher flottant peinent à imiter. C’est ce “patrimoine vivant” que les acheteurs recherchent et qui justifie souvent une plus-value significative à la revente.

Or, ce patrimoine architectural peut être sublimé ou, au contraire, écrasé par le décor que l’on y ajoute. L’erreur commune est de vouloir le surcharger ou de le faire rivaliser avec un mobilier de style trop similaire. La stratégie la plus élégante consiste à créer un dialogue, une tension esthétique entre l’ancien et le contemporain. Et c’est précisément là que l’art québécois contemporain joue un rôle magistral. Une toile abstraite et audacieuse placée au-dessus d’une cheminée d’époque ne diminue pas le cachet de cette dernière ; elle le révèle par contraste.

Étude de cas : Le dialogue patrimoine-art au pavillon Bourgie du MBAM

Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) offre un exemple parfait de cette synergie dans son pavillon Claire et Marc Bourgie. Installée dans une ancienne église, la collection d’art québécois et canadien y est mise en scène de façon spectaculaire. Les œuvres contemporaines dialoguent avec l’architecture patrimoniale, chaque élément magnifiant l’autre. Cette approche, où l’art moderne souligne la beauté des lignes anciennes, inspire de nombreux collectionneurs privés qui utilisent des œuvres d’artistes locaux pour mettre en valeur les boiseries et moulures de leurs appartements historiques.

Pour mettre en scène ce dialogue chez vous :

  • Créez des contrastes calculés : Accrochez une œuvre minimaliste ou abstraite près de boiseries très travaillées pour que chaque élément respire.
  • Utilisez l’art comme point focal : Positionnez une sculpture contemporaine sur le manteau d’une cheminée d’époque pour attirer le regard et créer une surprise visuelle.
  • Soulignez les détails : Une petite toile aux couleurs vives peut attirer l’œil vers un détail architectural que l’on ne remarquait plus, comme le coin d’une moulure ou une ferronnerie.
  • Évitez la surcharge : La règle d’or est de laisser des “zones de repos visuel”. Ne couvrez pas chaque centimètre carré. L’élégance naît de l’équilibre entre le plein et le vide.

En associant l’art contemporain au patrimoine bâti, vous ne faites pas que décorer : vous créez un lieu unique qui transcende les époques et augmente la valeur perçue de votre bien.

Pourquoi vous sentez-vous toujours aussi pauvre même en gagnant 20 000 $ de plus qu’il y a 5 ans ?

C’est un paradoxe moderne que beaucoup connaissent : votre salaire augmente, mais votre sentiment de bien-être financier stagne. Ce phénomène, souvent lié à l’inflation du style de vie, nous pousse à augmenter nos dépenses à mesure que nos revenus croissent, nous laissant dans une course sans fin. On remplace le téléphone, on s’offre des gadgets, on choisit des vacances plus luxueuses. Ces dépenses procurent une satisfaction éphémère mais s’évaporent rapidement, ne laissant derrière elles qu’une valeur résiduelle faible ou nulle. Pendant ce temps, l’inflation gruge le pouvoir d’achat de l’argent qui dort. Face à ce constat, l’art offre une alternative fascinante : un investissement à triple rendement.

Le premier rendement est esthétique et quotidien. Contrairement à un gadget qui finit dans un tiroir, une œuvre d’art vous nourrit visuellement chaque jour. Elle transforme votre espace de vie et enrichit votre quotidien. Le deuxième rendement est culturel et social. En achetant une œuvre d’un artiste québécois, vous investissez dans l’économie créative locale. Vous ne faites pas qu’acquérir un objet, vous soutenez un artiste, une galerie, un écosystème dynamique qui, selon le CALQ, a reçu des investissements de 178,6 millions de dollars pour la seule année 2024-2025. Le troisième rendement est potentiellement financier. Si l’art ne doit pas être vu comme un produit de spéculation à court terme, une œuvre d’un artiste émergent dont la carrière décolle peut voir sa valeur s’apprécier considérablement avec le temps.

Cette idée est parfaitement résumée par Waguih Geadah, un collectionneur et utilisateur de L’Artothèque, qui explique sa démarche dans un reportage de Radio-Canada :

Quand on achète une peinture, on est un peu plus conservateur dans le choix, parce qu’on sait que c’est un achat et que c’est pour longtemps.

– Waguih Geadah, Collectionneur et utilisateur de L’Artothèque

Cette prudence contraste avec la consommation impulsive de biens de consommation. Pour canaliser vos dépenses vers cet investissement plus durable, vous pouvez créer un “fonds de beauté personnel” :

  • Ouvrez un compte d’épargne dédié à l’art avec un virement automatique mensuel, même modeste (50-100 $).
  • Commencez par la location-découverte (8-42 $/mois) pour affiner votre goût sans engagement financier majeur.
  • Fixez-vous un objectif annuel réaliste, comme l’acquisition d’une œuvre originale à 750 $, qui générera plus de satisfaction durable qu’un appareil électronique.
  • Suivez les artistes émergents soutenus par les institutions pour des acquisitions à potentiel.

En redirigeant une partie de votre budget “plaisir” vers l’art, vous transformez une dépense volatile en un investissement qui nourrit l’âme, soutient la culture et possède un véritable potentiel patrimonial.

À retenir

  • La location-découverte (via une artothèque) est le meilleur point de départ pour un collectionneur débutant au Québec afin de former son œil sans risque.
  • Privilégier un artiste émergent validé par les institutions (CALQ, centres d’artistes) offre plus de valeur, de sens et de potentiel qu’une reproduction de masse.
  • L’art est un investissement à triple rendement (esthétique, culturel et potentiellement financier) qui enrichit votre quotidien et votre patrimoine personnel.

Comment créer un décor qui reflète votre personnalité sans tomber dans le “kitsch” ?

Le désir de créer un intérieur qui nous ressemble est universel. Mais la ligne est fine entre un décor personnel et authentique et une accumulation “kitsch” d’objets sans âme. Le kitsch, c’est souvent le fruit de choix impersonnels et de reproductions de masse : l’affiche d’une œuvre célèbre vue et revue, le bibelot touristique fabriqué en série. L’antidote au kitsch est l’authenticité. Un décor personnel est une collection de pièces qui ont une histoire, qui évoquent un souvenir, une rencontre, une émotion. Chaque objet devient un chapitre de votre journal intime.

L’art et l’artisanat d’art québécois sont des alliés puissants dans cette quête d’authenticité. Choisir une céramique tournée à la main par un artisan des Cantons-de-l’Est ou une petite gravure signée d’un artiste de Charlevoix, c’est intégrer chez soi une pièce qui porte l’empreinte de son créateur. Mais comment développer son goût pour éviter les faux pas ? L’expérience d’Alexandre, un jeune passionné qui s’est découvert une passion pour l’art, est inspirante. Au départ novice complet, il a commencé par louer une œuvre d’Alfred Pellan via L’Artothèque. Cette démarche lui a permis de “tester” un style, de vivre avec une pièce maîtresse et de développer progressivement son goût personnel, loin des tendances éphémères.

Atelier d'artiste québécois montrant le processus de création d'une œuvre unique avec outils et matériaux

Pour distinguer l’artisanat d’art authentique des souvenirs pour touristes, voici quelques repères :

  • Privilégiez les lieux validés : Le Salon des métiers d’art du Québec, ou des plateformes comme La Fabrique 1840 de Simons ou Le Vivoir, offrent une curation de créateurs québécois de qualité.
  • Cherchez la signature : Une pièce authentique est presque toujours signée ou identifiée par l’artiste. Méfiez-vous des productions en série non signées, souvent vendues dans les boutiques touristiques.
  • Vérifiez l’affiliation : L’appartenance de l’artiste à une association professionnelle comme le Conseil des métiers d’art du Québec est un gage de sérieux et de reconnaissance par les pairs.
  • Pensez “chapitre de vie” : Considérez chaque acquisition non pas comme un objet à la mode, mais comme le reflet d’une période de votre vie, d’un voyage, d’une rencontre. C’est ce qui lui donnera sa véritable valeur.

Pour mettre en pratique ces conseils, l’étape suivante consiste à explorer le catalogue d’une artothèque près de chez vous et à oser votre première location. C’est le premier pas pour transformer vos murs en un reflet authentique de votre histoire personnelle, loin du kitsch et près du cœur.

Written by Mélissa Fortin, Designer d'intérieur membre de l'APDIQ et experte en organisation familiale. 14 ans d'expérience en aménagement d'espaces de vie fonctionnels et ergonomiques.